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Le tutorat, pour transmettre une entreprise

samedi 28 janvier 2006

Auteurs : Philippe TOUZET et Jean-Pierre SAIDY [1]

Source : Les Echos Le 23-01-2006


Le dirigeant qui cède son entreprise peut former son successeur, percevoir une rémunération pour sa mission, sans pour autant perdre ses droits à la retraite.

Depuis le 1er janvier 2006, le dispositif issu de la loi Dutreil II [2] permet au cédant d’une entreprise commerciale, artisanale ou de services (à l’exclusion des entreprises libérales), d’effectuer une prestation temporaire de tutorat, au bénéfice du cessionnaire de son entreprise, sans perdre ses droits à la retraite. Concrètement, il s’agit d’assurer la formation du successeur au savoir-faire de l’entreprise, condition nécessaire à la réussite de la transmission d’entreprise. Deux études, de la Sofaris [3] pour la BDPME (Groupe Oséo) et de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP) [4] ,
ont ainsi montré que le taux d’échec est 1,5 fois plus élevé quand le cédant quitte l’entreprise immédiatement après la cession.

Le texte prévoit ainsi une « convention aux termes de laquelle le cédant s’engage à réaliser une prestation temporaire de tutorat » visant « la transmission au cessionnaire de l’expérience professionnelle acquise par le cédant ». Jusqu’alors, le cumul emploi-retraite n’était prévu que par l’article L. 634-6-1 du Code de la Sécurité sociale, qui permet à un chef d’entreprise de poursuivre une activité rémunérée après la transmission, mais seulement entre 60 et 65 ans et pour six mois au maximum. Le nouvel article L. 129-1 du Code de commerce a pour but de donner une meilleure lisibilité à l’accompagnement, dont le mécanisme fait l’objet d’un chapitre du Code de commerce : « Du tutorat en entreprise », mais dont les conditions sont fort restrictives. En effet, les bénéficiaires seront exclusivement les « cédants d’une entreprise », c’est-à-dire d’un fonds, et non de titres de société. Il faudra, en outre, que le cédant ait liquidé ses droits à la retraite.

Une clause d’« earn out »

Le tuteur pourra être rémunéré ou non. Evidemment, tout l’intérêt du régime consiste à permettre une rémunération, cumulée avec le régime de retraite. La nature de cette rémunération n’est pas précisée, le texte indiquant seulement que « le tuteur reste affilié aux régimes de Sécurité sociale dont il relevait antérieurement à la cession ».

Seconde motivation à l’accompagnement, à condition d’assurer la prestation de tutorat et de produire l’acte de vente de l’entreprise, le cédant pourra demander le versement d’une prime de transmission payée par l’Etat, dont la gestion sera assurée par les caisses d’assurance-vieillesse TNS. Y seront consacrés les crédits non utilisés au titre de « l’indemnité de départ » prévue par la loi de Finances pour 1982 pour les entreprises non transmissibles, ces crédits étant - une fois n’est pas coutume - excédentaires chaque année ! Un décret en précisera les conditions.

Attention, la prime de transmission est entrée en vigueur dès le 1er janvier 2006 alors que pour les conventions de tutorat, il faudra attendre le décret d’application, annoncé sur le site du ministère des PME pour fin 2005.

Cependant le nouveau régime exclut nombre de PME (en société) qui sont au premier chef concernées par la problématique de la transmission : 70.000 entreprises françaises et 610.000 entreprises européennes devront changer de mains, chaque année, au cours des dix prochaines années. Il vient, en outre, contrecarrer tout effort d’optimisation de la transmission. Il est fréquent, en effet, qu’une restructuration de l’activité soit effectuée avant la cession et que l’entreprise passe en société à cette occasion par apport du fonds. Or, dans ce cas, le tutorat ne sera pas applicable. Il faudra alors privilégier une solution qui ne soit pas limitée par les conditions du Code de la Sécurité sociale.

La pratique prévoit depuis longtemps dans les actes de cession une clause d’« earn out », qui permet au cédant d’obtenir un complément de prix en cas d’atteinte de certains objectifs par l’acquéreur. Généralement d’un montant important (souvent de 25 % à 50 % du prix), versé au cours des douze ou vingt-quatre premiers mois suivant la cession, l’« earn out » motive très fortement le cédant à s’investir pour faciliter l’atteinte des objectifs et transmettre toutes les informations nécessaires à une bonne reprise. Au plan fiscal, cette solution est favorable pour le cédant qui bénéficiera du taux de taxation des plus-values à 27 % alors que la rémunération de tutorat se verrait appliquer le taux progressif de l’IR. En revanche, l’« earn out » n’est pas déductible des résultats de l’entreprise, comme le serait une rémunération d’activité, mais il permet à l’acquéreur de diminuer la partie du prix payée à la signature.



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